Restauration & Agrobusiness, un tandem indispensable

– Par Eva Dossche, Directrice du Programme

Avec nos projets de restauration forestière, nous voulons créer de l’espoir pour une nouvelle génération : nous voulons leur donner la perspective d’une vie respectable dans leur communauté. Quitter son village est souvent conçu comme la meilleure manière pour trouver du succès. Nous voulons changer ce mode de pensée et prouver que la réussite peut également être trouvée dans les villages mêmes, mais cela n’est pas possible sans la restauration des écosystèmes. Un écosystème productif est la condition de base pour une relation dynamique entre l’être humain et son environnement – une relation qui n’existe plus dans la région du Sahel.
C’est pourquoi nous avons besoin d’intervenir des deux côtés. Il y a un besoin de changements aussi bien du côté de la terre que du côté de l’humain. Les deux processus sont aussi importants et doivent donc être développés simultanément.

La restauration, solution pour la terre

La combinaison des pratiques agricoles d’aujourd’hui et la forte croissance de la population, fait en sorte que les quelques sols productifs qui restent au Sahel, s’épuisent à grande vitesse. Une fois épuisées, ces terres sont traditionnellement mises en jachère pendant des périodes de 3 à 5 ans, mais quand elles sont vraiment dégradées, elles sont délaissées et ne peuvent pas être récupérées avec les moyens disponibles des communautés locales.

Afin de récupérer ces terres, HT commence par donner un kick-start au sol à travers de 3 principes importants de la restauration : la récolte d’eau, la végétalisation et l’augmentation de matière organique à travers des techniques d’agroforesterie.

1. La récolte de l’eau (water harvesting) : les sols dégradés sont durcis et ne permettent plus à l’eau de pluie d’infiltrer et nourrir la nappe d’eau souterraine. Le premier objectif de nos interventions est donc de restaurer l’infiltration de l’eau dans le sol.

2. La végétalisation (la semence d’herbes et d’arbres) : nous envisageons la restauration de la biodiversité avec une sélection de semences qui proviennent d’espèces locales. De plus, la semence de plusieurs espèces d’arbres dans les zones d’agroforesterie, permet non seulement d’augmenter les bénéfices pour l’écosystème (choix d’espèces qui vont fixer l’azote dans le sol), mais également pour la communauté et pour les rendements (usage pour l’alimentation, la pharmacopée et le fourrage + possibilité de produire de l’huile).

3. L’augmentation de matière organique : l’augmentation de la fertilité des sols / de la matière organique dans les sols à travers des techniques d’agriculture régénérative (ou agroécologie). La réalisation de cet objectif se fait entre autres par le maintien d’un taux élevé d’humus dans les sols, par le compostage, le paillage, la rotation de cultures et par le maintien de la biodiversité. Avec l’application de ces techniques, la production devrait augmenter au cours du temps, tandis que l’apport de matière organique extérieure devrait diminuer.

Pour assurer que les bonnes techniques de restauration sont appliqués, nous avons construit un site de formation pour nos partenaires villageois.

Agrobusiness, solution pour l’Homme

Il y a deux activités d’agrobusiness que nous développons à l’heure actuelle : d’une part l’agroforesterie, et d’autre part le pastoralisme.

Le fait de travailler dans un écosystème dégradé implique que nos arbres poussent moins vite, et que cela prend donc quelques années avant d’avoir des forêts productives. Ainsi, l’agrobusiness demande du temps et de la patience. C’est pour cette raison que nous achetons dès le début des semences et des fumures chez nos partenaires villageois. Cela fait directement de la forêt une source de revenus, avant même qu’elle soit productive. Pendant cette période où nos forêts ne sont pas encore rentables et qu’elles ne remportent pas encore de vraies rétributions financières, nous introduisons déjà un système transitoire de rétributions virtuelles. Ce système fonctionne sur base de mérite. Grâce à notre monitoring extensif, nous sommes capables de quantifier et intégrer les contributions et l’impact de chaque village dans des bulletins sur 1000 points. Ces bulletins sont une sorte de récompense virtuelle pour leur travail. De plus, chaque année à l’Assemblée Générale, les villages obtenant les meilleurs résultats reçoivent un prix. Ceci crée une compétition intervillages où tous nos villages partenaires font de leur mieux pour avoir les meilleurs résultats. Même si les rétributions ne sont donc pas tout de suite financières, ce système permet – dès le début, de montrer l’importance du mérite et de récompenser les villages pour leurs efforts.

AGROFORESTERIE
La valorisation économique de nos arbres et des cultures qui poussent entre eux revêt beaucoup d’importance pour nous. C’est pour cette raison que nous allons nous engager dans la culture agroforestière : aussi bien l’agro- foresterie intensive – basé sur un système d’irrigation qui permet de faire de l’agriculture pendant l’année entière, que l’agroforesterie extensive – qui dépend de la précipitation et qui est donc uniquement possible pendant la saison des pluies. Pour nos projets de restauration, nous travaillons presque uniquement avec des oléagineux dont les fruits peuvent être pressés afin d’en obtenir de l’huile (morenga, sésame). Maintenant qu’une partie de nos arbres et cultures commencent à être productifs, nous allons investir dans un centre de transformation avec des presses à huile. De cette manière, nous pourrons faire de l’agroforesterie et transformer nos fruits en des produits avec une valeur commerciale.

PASTORALISME
Chez les villageois au Sahel, les animaux reçoivent beaucoup de liberté et d’espace, souvent même trop de liberté et d’espace : le surpâturage fait en sorte que les sols se dégradent à grande vitesse. C’est pourquoi nous avons maintenant créé des systèmes de pâturage contrôlé sur base d’une combinaison de stabulation et de zones de pâturage.
Le pastoralisme nous permet également de créer des nouveaux projets d’agrobusiness. Cette année, nous allons commencer par un projet pilote de biodigesteurs. Ce sont des installations qui permettent de créer de l’énergie renouvelable en transformant des excréments d’animaux en fumures et en biogaz.

1. Les bio-digesteurs transforment les excréments d’animaux en fumures : ces fumures sont directe- ment applicables sur les champs, et le digestat solide en forme des pellets. Ces pellets sont des fumures encore beaucoup plus puissantes. Afin de soutenir les villages, nous achèterons les pellets, les fumures et les semences chez eux. Ces relations économiques que nous avons avec eux les encouragent à développer un esprit plus économique et une façon de penser plus rentable.

2. Les bio-digesteurs transforment des fumures en biogaz : ce gaz peut être utilisé pour la cuisine et
pour chauffer. En plus, le biogaz est également une source d’éclairage, un élément vivement souhaité par les populations rurales. Ceci aura un effet très positif sur la coupe du bois, qui est actuellement une source importante de la dégradation du sol. Aujourd’hui, les villageois cuisinent presque uniquement sur le feu de bois. Un nouveau carburant qui éliminera la nécessité de cuisiner sur le bois, aura donc un effet énorme sur la coupe des arbres.

Gestion des risques

Malheureusement, les terres dégradées ne redeviennent pas fertiles après la simple plantation des arbres. L’agriculture régénérative engendre donc beaucoup de risques, des risques qui sont impossibles à prendre pour la population locale car elle ne dispose d’aucune marge de manœuvre en cas de récolte ratée. Afin d’inciter aux changements, il faut donc d’abord enlever le risque qui pèse sur les épaules des gens locaux. C’est pourquoi il est nécessaire que HT prenne la responsabilité à ce niveau-là, et c’est pourquoi nous avons également droit à 50 % de l’usufruit. Tous les sites de nos villages sont divisés en deux parties de 125 ha, le village a droit à l’usufruit de la première moitié, HT a droit à l’usufruit de l’autre moitié.

C’est une situation avantageuse pour les deux parties : les villages ne courent aucun risque et sont payés pour venir travailler sur notre partie des sites, et nous avons droit à la moitié de l’usufruit. De cette manière, nous pouvons mieux impliquer les gens dans le projet et sa réussite… Une fois que les villageois sont convaincus que notre approche fonctionne bien et qu’il est donc possible de restaurer les écosystèmes dégradés de manière durable et rentable, ils sont prêts à y investir de l’argent de leur côté et ils commencent également à travailler sur la partie dont ils droit à l’usufruit.